XVII. Baignoire

Pas de réponse, sauf un grand sourire encour­ageant. Ce sourire fut accom­pa­g­né d’un geste qui désig­nait la bouteille de savon restée sur le bord de la baig­noire. Nathalie s’assit, tout douce­ment, dans l’eau chaude qui lui arrivait déjà à mi-hau­teur du flanc.

Ste­fan se désha­bil­la. Il ne prit pas son temps comme Nathalie avant lui qui s’était procurée un malin plaisir en gar­dant sa culotte le plus longtemps pos­si­ble. Trop pressé de se réchauf­fer et de se frot­ter con­tre la peau nue dont Nathalie s’efforçait d’exposer un max­i­mum, il mit ses pieds dans le liq­uide brûlant. Il res­ta debout pour­tant, timide soudain, comme rejeté en arrière par son pro­pre courage et sa témérité. Nathalie voulant l’encourager à venir à bout de son hési­ta­tion, lui fit de la place.

« Viens, assieds-toi ! »

Il se mit sur ses genoux, tou­jours en proie à la peur de voir Nathalie se dis­soudre dans l’eau de bain, telle une sirène dont les chants l’auraient attiré jusque dans cette cham­bre d’hôtel de la ban­lieue Parisi­enne. Il cher­cha ses yeux pour puis­er dans ce regard la force dont il eut besoin pour maîtris­er son trem­ble­ment. Elle se ren­dit compte de son malaise. Elle prit sa main, lui cares­sa la joue et lui susurra :

« Je te rap­pelle que tu es entre mes jambes. »

baignoire
« … en proie à la peur de voir Nathalie se dis­soudre dans l’eau de bain … »

La ten­sion de Ste­fan se réso­lut dans la chaleur qui l’enveloppait et qui lui ren­dit le con­trôle de ses mus­cles trem­blants. D’un mou­ve­ment de la tête, Nathalie lui indi­qua com­ment il fal­lait chang­er de posi­tion pour être plus con­fort­able. Il se leva pour per­me­t­tre à Nathalie de se retourn­er. Puis, il se ras­sit der­rière elle. Elle lui deman­da d’allonger ses jambes, ce qu’il fit avec une cer­taine dif­fi­culté. Une fois la manœu­vre ter­minée, Nathalie se ren­ver­sa et posa sa tête sur sa poitrine. La masse soyeuse de ses cheveux, arrangés en chignon pour éviter de les mouiller, le cha­touil­lait. Ste­fan plongea ses mains dans sa chevelure et s’amusa à enrouler les mèch­es autour de ses doigts. Ils restèrent ain­si pen­dant quelques min­utes, sans par­ler, absorbés, ren­dus presque léthargiques, par le feu liq­uide qui berçait leurs corps, et par les fris­sons que le plaisir anticipé fai­sait courir sur leur peau.

Ce fut Ste­fan qui rompit le silence :

« Cette baig­noire, elle me tente depuis des semaines maintenant.

– Tu veux bien dire la baig­noire ? Ou plutôt ce qu’il y a dedans ?

– Vilaine ! » Il se pen­cha pour lui mordiller les épaules, ce qui lui fit pouss­er des cris entre­coupés de fous rires. Elle mit quelques instants avant de pou­voir repren­dre la conversation.

« Depuis que j’ai mis la vidéo sur mon site alors ?

– Peut-être bien…

– Mais le mon­sieur dans la vidéo, il n’a pas com­mencé par retir­er ses fringues, lui…

– Ah, parce que tu aurais préféré ça ? »

Nathalie répon­dit par un « Non ! » dont elle allongea la voyelle d’une façon improb­a­ble, en lui insuf­flant des accents d’une sen­su­al­ité tor­ride. Puis, ses paroles furent ren­dus inin­tel­li­gi­bles par les coups de rire déli­rants où elle som­brait chaque fois que Ste­fan amorçait le moin­dre mou­ve­ment dans sa direction.

Il com­prit finale­ment que Nathalie attendait autre chose que de la con­ver­sa­tion. S’emparant de la bouteille de savon liq­uide qui, suite à la gym­nas­tique néces­saire pour trou­ver la bonne posi­tion, était tombée dans le bain, il se mit une bonne dose dans le creux de sa main, et atten­dit quelques sec­on­des pour per­me­t­tre au pro­duit de se réchauf­fer au con­tact de sa peau. Nathalie, ayant remar­qué sa manœu­vre, se redres­sa pour lui présen­ter le dos qu’il cou­vrit, à longs traits, mi mas­sage, mi caresse, de savon. Bien­tôt, une mousse blanche et odor­ante se dévelop­pa sous l’action de ses paumes agiles. La fric­tion sup­primée grâce aux effets lubri­fi­ants des minus­cules bulles d’air, Ste­fan glis­sa le long de l’échine, sur les sail­lies des vertèbres et des côtes, suiv­ant les ron­deurs des épaules et descen­dant jusqu’à la saignée des bras, où son pas­sage fut inter­rompu par la décou­verte des bat­te­ments mesurés révélant le rythme d’une vie qui se nour­ris­sait de sang – il eut la chair de poule. Trou­blé et fasciné, il hési­ta quelques instants avant de rebrouss­er chemin, inca­pable de détourn­er les yeux de sa nuque où était per­ché le nid de cheveux courts, ondulés et par­ti­c­ulière­ment doux. Puis, attiré par les mou­ve­ments sous-cutanés, il plaça ses mains autour du cou, tel un col­lier vivant, les paumes ouvertes et les doigts déployés, pour y retrou­ver le pouls qui soule­vait les couch­es suc­ces­sives de mus­cles et de peau dans le rythme imprimé par le cœur qui bat­tait à l’abri des mêmes côtes sur lesquelles il venait de passer.

Nathalie, immo­bile, attendait la reprise des caress­es. Des fris­sons la par­cou­rurent, indices d’une volup­té à peine con­tenue. Ste­fan prit une déci­sion et, se dres­sant légère­ment, posa ses lèvres sur le cou de Nathalie qui répon­dit par un trem­ble­ment. Puis, ses mus­cles se détendirent sous les affleure­ments de son amant qui venaient de repren­dre ses explo­rations. Les paupières bais­sées, elle suiv­ait le pro­grès de ces mains qui, une nou­velle fois, descendirent lente­ment le long de son corps, pas­sant sur la chair douce et ferme de la poitrine, pour se pos­er, fin pro­vi­soire de par­cours, sur son ven­tre. Nathalie sen­tit les bouts de ses seins dur­cir encore davan­tage. Tous ses besoins de ten­dresse et de jouis­sance se con­cen­traient dans ces petits bouts de chair dur­cis qui appelèrent des suc­cions et des coups de langue à faire éclater son corps entier.

Nathalie avait de petits seins, fait dont Ste­fan se ren­dit compte en les cares­sant, et en les faisant gliss­er dans le creux de ses mains pour les soulever, les cou­vrant abon­dam­ment de mousse. Con­tin­u­ant à les palper, il y impri­ma la trace de ses doigts, puis les soule­va encore pour sen­tir leur poids. Elle révéla le degré auquel avait mon­té son plaisir en se frot­tant con­tre son amant et en pous­sant des soupirs à peine audi­bles. Ste­fan descen­dit plus bas encore, attiré par la ron­deur sail­lante du ven­tre. Mal­gré de nom­breux pas­sages, il n’y trou­va pas la moin­dre trace de grossesse. Il avait beau scruter, la peau en était toute lisse, légère­ment veloutée. Des grains de beauté par-ci, par-là.

Au cen­tre, une petite cav­ité, de peu de pro­fondeur, mais au tracé très réguli­er, attendait l’ar­rivée des dix minus­cules preux en quête d’aventures. La peau autour était lisse et accueil­lante, et il se promit d’y trem­per la langue plus tard pour décou­vrir le goût de ce recoin de son corps, dont il eut la nette impres­sion qu’il en pré­fig­u­rait un autre, bien plus alléchant encore.

Il joignit les mains devant son ven­tre, les doigts croisés, ser­rant la pléni­tude de femme entre ses bras, très douce­ment, comme pris de peur d’abîmer cette fragilité, assez solide pour­tant pour pou­voir abrit­er une vie crois­sante pen­dant neuf mois. Il tenait des mon­des. Les siens, et ceux qu’elle avait la capac­ité de con­tenir et d’engendrer. Une femme, si on voulait faire abstrac­tion, cela pou­vait par­faite­ment se résumer au ven­tre. Le sexe, les seins, l’in­tel­li­gence même, c’était bien beau, évidem­ment, mais tout ça pâlis­sait à côté du ven­tre. C’est là qu’elles cou­vaient la vie, les femmes, qu’elles la nour­ris­saient, la mûris­saient, pour en faire jail­lir des êtres conçus à leur image. Il inter­rompit ses caress­es pour sen­tir Nathalie frémir.