Pas de réponse, sauf un grand sourire encourageant. Ce sourire fut accompagné d’un geste qui désignait la bouteille de savon restée sur le bord de la baignoire. Nathalie s’assit, tout doucement, dans l’eau chaude qui lui arrivait déjà à mi-hauteur du flanc.
Stefan se déshabilla. Il ne prit pas son temps comme Nathalie avant lui qui s’était procurée un malin plaisir en gardant sa culotte le plus longtemps possible. Trop pressé de se réchauffer et de se frotter contre la peau nue dont Nathalie s’efforçait d’exposer un maximum, il mit ses pieds dans le liquide brûlant. Il resta debout pourtant, timide soudain, comme rejeté en arrière par son propre courage et sa témérité. Nathalie voulant l’encourager à venir à bout de son hésitation, lui fit de la place.
« Viens, assieds-toi ! »
Il se mit sur ses genoux, toujours en proie à la peur de voir Nathalie se dissoudre dans l’eau de bain, telle une sirène dont les chants l’auraient attiré jusque dans cette chambre d’hôtel de la banlieue Parisienne. Il chercha ses yeux pour puiser dans ce regard la force dont il eut besoin pour maîtriser son tremblement. Elle se rendit compte de son malaise. Elle prit sa main, lui caressa la joue et lui susurra :
« Je te rappelle que tu es entre mes jambes. »
La tension de Stefan se résolut dans la chaleur qui l’enveloppait et qui lui rendit le contrôle de ses muscles tremblants. D’un mouvement de la tête, Nathalie lui indiqua comment il fallait changer de position pour être plus confortable. Il se leva pour permettre à Nathalie de se retourner. Puis, il se rassit derrière elle. Elle lui demanda d’allonger ses jambes, ce qu’il fit avec une certaine difficulté. Une fois la manœuvre terminée, Nathalie se renversa et posa sa tête sur sa poitrine. La masse soyeuse de ses cheveux, arrangés en chignon pour éviter de les mouiller, le chatouillait. Stefan plongea ses mains dans sa chevelure et s’amusa à enrouler les mèches autour de ses doigts. Ils restèrent ainsi pendant quelques minutes, sans parler, absorbés, rendus presque léthargiques, par le feu liquide qui berçait leurs corps, et par les frissons que le plaisir anticipé faisait courir sur leur peau.
Ce fut Stefan qui rompit le silence :
« Cette baignoire, elle me tente depuis des semaines maintenant.
– Tu veux bien dire la baignoire ? Ou plutôt ce qu’il y a dedans ?
– Vilaine ! » Il se pencha pour lui mordiller les épaules, ce qui lui fit pousser des cris entrecoupés de fous rires. Elle mit quelques instants avant de pouvoir reprendre la conversation.
« Depuis que j’ai mis la vidéo sur mon site alors ?
– Peut-être bien…
– Mais le monsieur dans la vidéo, il n’a pas commencé par retirer ses fringues, lui…
– Ah, parce que tu aurais préféré ça ? »
Nathalie répondit par un « Non ! » dont elle allongea la voyelle d’une façon improbable, en lui insufflant des accents d’une sensualité torride. Puis, ses paroles furent rendus inintelligibles par les coups de rire délirants où elle sombrait chaque fois que Stefan amorçait le moindre mouvement dans sa direction.
Il comprit finalement que Nathalie attendait autre chose que de la conversation. S’emparant de la bouteille de savon liquide qui, suite à la gymnastique nécessaire pour trouver la bonne position, était tombée dans le bain, il se mit une bonne dose dans le creux de sa main, et attendit quelques secondes pour permettre au produit de se réchauffer au contact de sa peau. Nathalie, ayant remarqué sa manœuvre, se redressa pour lui présenter le dos qu’il couvrit, à longs traits, mi massage, mi caresse, de savon. Bientôt, une mousse blanche et odorante se développa sous l’action de ses paumes agiles. La friction supprimée grâce aux effets lubrifiants des minuscules bulles d’air, Stefan glissa le long de l’échine, sur les saillies des vertèbres et des côtes, suivant les rondeurs des épaules et descendant jusqu’à la saignée des bras, où son passage fut interrompu par la découverte des battements mesurés révélant le rythme d’une vie qui se nourrissait de sang – il eut la chair de poule. Troublé et fasciné, il hésita quelques instants avant de rebrousser chemin, incapable de détourner les yeux de sa nuque où était perché le nid de cheveux courts, ondulés et particulièrement doux. Puis, attiré par les mouvements sous-cutanés, il plaça ses mains autour du cou, tel un collier vivant, les paumes ouvertes et les doigts déployés, pour y retrouver le pouls qui soulevait les couches successives de muscles et de peau dans le rythme imprimé par le cœur qui battait à l’abri des mêmes côtes sur lesquelles il venait de passer.
Nathalie, immobile, attendait la reprise des caresses. Des frissons la parcoururent, indices d’une volupté à peine contenue. Stefan prit une décision et, se dressant légèrement, posa ses lèvres sur le cou de Nathalie qui répondit par un tremblement. Puis, ses muscles se détendirent sous les affleurements de son amant qui venaient de reprendre ses explorations. Les paupières baissées, elle suivait le progrès de ces mains qui, une nouvelle fois, descendirent lentement le long de son corps, passant sur la chair douce et ferme de la poitrine, pour se poser, fin provisoire de parcours, sur son ventre. Nathalie sentit les bouts de ses seins durcir encore davantage. Tous ses besoins de tendresse et de jouissance se concentraient dans ces petits bouts de chair durcis qui appelèrent des succions et des coups de langue à faire éclater son corps entier.
Nathalie avait de petits seins, fait dont Stefan se rendit compte en les caressant, et en les faisant glisser dans le creux de ses mains pour les soulever, les couvrant abondamment de mousse. Continuant à les palper, il y imprima la trace de ses doigts, puis les souleva encore pour sentir leur poids. Elle révéla le degré auquel avait monté son plaisir en se frottant contre son amant et en poussant des soupirs à peine audibles. Stefan descendit plus bas encore, attiré par la rondeur saillante du ventre. Malgré de nombreux passages, il n’y trouva pas la moindre trace de grossesse. Il avait beau scruter, la peau en était toute lisse, légèrement veloutée. Des grains de beauté par-ci, par-là.
Au centre, une petite cavité, de peu de profondeur, mais au tracé très régulier, attendait l’arrivée des dix minuscules preux en quête d’aventures. La peau autour était lisse et accueillante, et il se promit d’y tremper la langue plus tard pour découvrir le goût de ce recoin de son corps, dont il eut la nette impression qu’il en préfigurait un autre, bien plus alléchant encore.
Il joignit les mains devant son ventre, les doigts croisés, serrant la plénitude de femme entre ses bras, très doucement, comme pris de peur d’abîmer cette fragilité, assez solide pourtant pour pouvoir abriter une vie croissante pendant neuf mois. Il tenait des mondes. Les siens, et ceux qu’elle avait la capacité de contenir et d’engendrer. Une femme, si on voulait faire abstraction, cela pouvait parfaitement se résumer au ventre. Le sexe, les seins, l’intelligence même, c’était bien beau, évidemment, mais tout ça pâlissait à côté du ventre. C’est là qu’elles couvaient la vie, les femmes, qu’elles la nourrissaient, la mûrissaient, pour en faire jaillir des êtres conçus à leur image. Il interrompit ses caresses pour sentir Nathalie frémir.